Sans négliger les aspects financiers (évoqués dans cet ouvrage), le facteur humain est déterminant dans un processus de reprise d’entreprise !
Il est question pour le nouveau dirigeant d’évoluer dans sa posture managériale, mais également de permettre la mutation de son équipe.
Ces deux dynamiques de mouvements doivent être appréhendées par le repreneur pour la sérénité de la reprise et assurer son succès.
Avant de capitaliser sur la richesse du potentiel humain présent dans les entreprises susceptibles d’être cédées, il est indispensable pour l’acquéreur potentiel d’être conscient des enjeux et des risques pouvant affecter durablement le projet et sa réussite.
Sans être exhaustif, deux sujets menacent directement le repreneur, quant à l’efficacité de démarche et peut être même quant à la pérennité de son projet :
- La sélection de la cible
- Le passage de salarié à chef d’entreprise
La sélection de la cible
C’est une étape très particulière à vivre pour le repreneur.
Il cherche la structure qui occupera son existence professionnelle pendant plusieurs années et qui sera l’enjeu d’un grand nombre de bouleversements familiaux ainsi que dans son univers relationnel.
L’affectif est forcément en jeu !
Avant de trouver la « bonne cible », celle qui se rapproche le plus de ses critères personnels, le futur repreneur entre en contact avec des entreprises qu’il a lui-même sélectionnées, ou qu’un cabinet spécialisé a identifiées.
Cette période est plus ou moins longue et donc plus ou moins motivante pour l’entrepreneur. Face à « l’excitation » liée à l’analyse des premiers dossiers, il peut être découragé de ne pas trouver la cible idoine.
Pour les entrepreneurs accompagnés par Pôle Emploi dans la durée, la consommation de ce temps peut être source d’une inquiétude complémentaire.
Le premier diagnostic
Il s’agit de sélectionner les affaires qui semblent correspondre à ses critères ; il doit donc également en éliminer pour n’en retenir qu’une short-list à étudier avec plus de précisions.
Ainsi, le premier diagnostic se fait sans contact avec la cible et ses dirigeants, mais uniquement avec des données limitées.
Le plus souvent, il est regardé les comptes annuels qui figurent sur les bases de données publiques (greffe des tribunaux de commerce) ou privées.
La recherche de la notoriété sur internet fait partie également de cette étape de premier diagnostic.
L’objet consiste à d’analyser rapidement les comptes et de pouvoir porter une première estimation d’une fourchette de valorisation afin de déterminer si l’opération est envisageable, d’une part et finançable, d’autre part.
Ainsi, le risque principal serait de mal sélectionner la cible, notamment en se limitant à sa seule analyse, par crainte de dépenser des honoraires vers des conseils.
Mal sélectionner sa cible revient à perdre du temps et risque d’embarquer son entourage proche sur un projet qui finalement devra être abandonné plus tard.
Face à cette situation, le futur repreneur doit parvenir à résister à trois tentations :
« Je veux une société »
Il peut arriver, à la suite d’un certain temps infructueux de recherche de cibles, que le repreneur perde patience. A la première entreprise qui semble répondre aux critères qu’il s’est fixé, il se « jette dessus » et son unique objectif devient de l’acquérir à tout prix, ou presque.
Le risque réside précisément dans la motivation de l’acquisition, qui serait par défaut et non le fruit d’un choix (pour partie) raisonné, même si toute acquisition d’une entreprise comporte sa part d’irrationnel et d’affectif (ce qui participe au « sel » de cette vie d’entrepreneur).
Envisager une reprise d’entreprise parce qu’il est temps, parce que l’entrepreneur a suffisamment attendu, parce que le temps de l’allocation chômage touche à sa fin,…, constitue un fort risque d’échec.
A la première difficulté avec les salariés ou avec des clients qui manifesteront plus ou moins fortement qu’ils appréciaient plus l’ancienne gestion par exemple, l’entrepreneur risque de ne pas avoir de ressort de motivation nécessaire pour passer ces épreuves.
Par ailleurs, quand il va s’agir de faire adhérer la nouvelle équipe au projet de développement porté par le repreneur, il est indispensable de pouvoir puiser sur un socle de motivation sans faille, et non sur un choix par défaut.
Dans une situation complexe ou tendue, le chef d’entreprise qui croit en son projet sera nettement plus en capacité de gérer la situation tout en gardant le cap et ainsi conserver sa posture de manager, notamment pour rassurer ses équipes
Le repreneur devient une personne non seulement publique, dès l’instant où il entre dans les locaux de l’entreprise, mais surtout une personne dont la moindre attitude, le regard, sourire, ou manière de fermer une porte est analysé, scruté, regardé, traduit et interprété ; et ce d’autant plus est très peu connu des salariés et qu’une certaine appréhension peut naître quant à l’avenir de la société, de son organisation, du personnel, etc.
Il ne faut pas longtemps à une personne pour comprendre si l’acquisition de la cible s’est faite parce que c’était la moins chère, ou la dernière que le repreneur ait trouvé, ou si le nouveau dirigeant est véritablement motivé et engagé dans son projet entrepreneurial.
Quelle crédibilité aurait un entrepreneur, qui montre assez peu de volonté et d’engagement dans une reprise ?
Humainement, en terme de management, ce serait catastrophique.
Personnellement, pour le dirigeant, ce serait également compliqué à vivre et démotivant.
« Je veux cette société »
L’autre tentation serait d’être aveuglé par quelques critères, quitte à en oublier les autres !
Par exemple, un repreneur qui a le souhait dans sa reconversion, de quitter la région parisienne et de trouver une société à acquérir précisément dans le département où il rêve de voir grandir ses enfants, risque d’être aveuglé et de perdre sa capacité de jugement, si ce critère devient ou demeure le plus important, sinon l’unique.
A force de volonté exprimée de vouloir acquérir cette structure, le repreneur risque de négliger des contraintes financières, un prix ne correspondant pas à la réalité du marché, des anomalies dans la structure des comptes ou dans la composition des résultats, voire des manques de rentabilité susceptibles de mettre en péril la structure une fois celle-ci acquise.
En matière de management, il est à redouter que l’entrepreneur éprouve des difficultés à engager son équipe vers un projet qui n’existe pas vraiment !
La tentation de la cible idéale
Dans la population des repreneurs d’entreprises, qui n’a pas rêvé de trouver la société à vendre, qui respecte intégralement tous ses critères: le prix, la zone géographique, l’activité, etc. ?
Une des grandes libertés de l’entrepreneur réside dans sa capacité à poser des choix, en adéquation avec sa personne, ses désirs et ses critères.
Il n’est pas bon de « foncer » sur la première cible que le futur entrepreneur découvre, sur la seule crainte de ne pas trouver mieux.
Le temps est utile dans une démarche de reprise d’entreprise, à plus d’un titre :
- Il permet de forger la volonté entrepreneuriale, voire de tester la résistance au temps, aux aléas, etc.
- Il assure également le futur acquéreur de pouvoir poser un choix, à l’épreuve de la réalité. Les critères qu’il a définis au départ (et cet exercice est essentiel avant toute démarche de reprise) vont se polir avec la réalité du marché et les difficultés plus ou moins présentes pour trouver une entreprise dans un secteur ou un autre, dans une activité ou une autre, etc.
Ne pas sélectionner d’emblée la première cible (sauf si elle est bien en phase avec les choix initiaux !), fait avancer l’entrepreneur dans une démarche plus professionnelle et plus expérimentée.
Dans cette phase d’expérimentation, le repreneur apprend à ne pas rechercher uniquement la cible idéale. Cette quête ne peut le mener à qu’à des désillusions, voire à des situations dramatiques financièrement.
Le futur repreneur doit être conscient de ce risque et doit essayer (au contact de son entourage proche, mais également de son équipe de reprise) d’étudier des dossiers, qui semblent ne pas correspondre intégralement à ses critères, en mettant de côté des affaires manifestement trop éloignées.
De la motivation ou prendre du recul ?
Il est essentiel de tester sa motivation en se forçant à analyser l’intérêt de la cible en retirant totalement de la réflexion le ou les critères prédominants.
Pour cela, il lui faut un certain recul par rapport à la situation pour identifier quels sont dans son esprit les critères les plus importants et parvenir à l’exclure de la réflexion.
Il s’agit de tester à la fois sa motivation et sa capacité à prendre du recul. Il est évident que le choix définitif de la cible ne peut pas reposer uniquement sur des critères rationnels et réfléchis. Toute démarche de sélection dans un premier temps et de choix dans un second temps n’est pas guidée à 100% par un raisonnement clairement posé et exprimé.
Toutefois, il est nécessaire d’en être conscient et de comprendre quelle part de « raisonnable » et d’irrationnel sont présents dans le choix définitif de la cible.
De salarié à chef d’entreprise
Dans un grand nombre de situations, les PME sont reprises par des anciens cadres et cadres supérieurs ayant exercé une partie de leur carrière dans de grands groupes industriels ou de service.
La transition entre l’organisation d’une grande structure et celle d’une PME peut être délicate et le nouvel entrepreneur doit adapter son discours et ses actes à la situation précise d’une PME.
Même s’il est entouré de responsables et de directeurs, il deviendra le garant de tout ce qui a trait à l’entreprise, de l’approvisionnement en papier toilettes aux grandes décisions stratégiques et commerciales !
Le positionnement est très différent que celui d’un responsable de service au sein d’une entreprise.
Son rôle, ses décisions et son style de management seront d’autant plus étudiés par les salariés que la légitimité de sa fonction et de sa position vont probablement prendre du temps à se mettre en place.
La première légitimité qui est reconnue à celui qui devient le nouveau « patron » est celle d’avoir pu emprunter pour devenir le nouveau propriétaire !
Cette situation demande forcément à l’entrepreneur un peu de préparation !
La solitude du repreneur d’entreprise
C’est un lieu commun que de dire que le chef d’entreprise est un grand solitaire, particulièrement le responsable d’une PME !
Mais c’est une réalité.
Pendant le processus de reprise, l’entrepreneur est souvent bien entouré : ses conseils (expert-comptable et avocat), parfois un accompagnement d’un cabinet d’outplacement, peut-être un conseiller Pôle Emploi ainsi que les financeurs.
Une fois l’opération achevée et les actes de cessions signés, il ne reste presque plus personne et le choc peut sembler d’autant plus rude que pendant le temps d’accompagnement qui précède la reprise effective, plusieurs avis pouvaient être sollicités sur une même question.
Un sentiment de grand vide peut apparaître, particulièrement si les débuts au sein de l’entreprise sont difficiles.
Il est essentiel pour le dirigeant de pouvoir confronter ses décisions, ses interrogations, voire ses doutes, avec des personnes, à la fois proches, et susceptibles de prendre du recul.
Il pourra s’agir de coach ou d’un accompagnateur de dirigeant.
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