Reprise d’entreprise et Pôle Emploi : comment procéder ?

Publié le 26 janvier 2021Thème : Reprise d'entreprise, Type: questions réponses

Il est possible de reprendre une entreprise et d’être accompagné par Pôle Emploi. Le plus souvent, cet accompagnement prend la forme du versement au créateur d’entreprise et demandeur d’emploi de son Allocation de Retour à l’Emploi (ARE).

En cela, l’aide apportée est très importante, car elle offre deux choses au repreneur :

  • elle lui permet de ne pas affecter la trésorerie de la société reprise pendant une  certaine durée,
  • elle aide le repreneur à se constituer son propre système « d’assurance perte de revenus ».

 Trésorerie pendant 24 ou 36 mois

Le repreneur d’entreprise qui bénéficie de l’ARE pendant 24 ou 36 mois (convention de 2014), selon qu’il a moins ou plus de 50 ans, peut de ce fait ne pas prendre de rémunération pendant cette période d’accompagnement.

Actuellement, l’Allocation de Retour à l’Emploi perçue par le repreneur dès l’instant où il est éligible à l’accompagnement de Pôle Emploi, est calculée sur la base de 57% du salaire brut de référence. Pendant la période où l’entrepreneur était salarié, il percevait environ 75 à 78% de son salaire brut.

Il perd près d’un quart de son salaire NET d’avant, ce qui est loin d’être négligeable, mais bien souvent le repreneur d’entreprise peut puiser dans ses réserves personnelles pendant cette période s’il veut maintenir son niveau de vie, sans toucher à la trésorerie de son entreprise.

Quelles sont en sont les principales conséquences ?

Business plan de reprise

Dans le business plan de reprise, le repreneur cherchant un financement peut mettre en avant que son projet est d’autant plus viable et crédible que pendant deux (ou trois) ans, le principal acteur a capacité à ne pas se rémunérer.

Cela dit, un projet de reprise ne se monte pas en quelques semaines et il est normal de « consommer » plusieurs mois de perception d’Allocation de Retour à l’Emploi avant que la cession ne devienne effective.

Il reste cependant peut être une année, voire deux pendant lesquelles le repreneur pourra réduire la masse salariale de l’entreprise à reprendre.

Généralement, le départ du cédant s’accompagne d’une réduction du poids des salaires par l’arrêt de la rémunération de ce dernier. Cet allégement sera d’autant plus significatif dans les comptes prévisionnels de l’entité reprise, que le nouveau dirigeant ne percevra pas de rémunération immédiatement.

Les deux ou trois premières années qui suivent la reprise d’une entreprise sont les plus délicates, sinon les plus dangereuses. En effet, c’est le temps où le nouveau propriétaire et dirigeant devra non seulement se faire accepter, mais où il aura la tâche aussi essentielle que délicate de faire adhérer les salariés de l’entité reprise à son projet de développement.

Ainsi, pendant cette période, si l’entrepreneur peut expliquer qu’il a pris tous les conseils, accompagnements et formations nécessaires à la mise en œuvre de son projet, et qu’il contribue au financement par un apport personnel, complété d’une non rémunération, il lui offre au banquier un dossier sérieux !

Au delà même de la question strictement financière, le repreneur met en avant dans son projet le fait qu’il a compris son rôle d’entrepreneur et de dirigeant.

Source de revenus complémentaire

Enfin, le mécanisme d’aide mis en place par Pôle Emploi assure aussi un revenu complémentaire, permettant à la famille du repreneur de ne pas se mettre en zone de risque.

Ce point peut aussi être analysé par les établissements financiers, en faveur d’un dossier de reprise à financer.

Une assurance « perte de revenu » ?

C’est un élément commun à tout entrepreneur ou repreneur d’entreprise : quelque soit le statut juridique qu’ils envisagent de retenir, ils ne bénéficieront pas de la couverture Pôle Emploi.

De très rares cas, étudiés à la loupe, par Pôle Emploi, pourraient permettre une indemnisation, et dans la seule situation où l’entrepreneur ne soit pas gérant (SARL) ou président (SAS ou SASU), et que ce rôle ne soit pas rempli par un membre de sa famille.

Ainsi, en cas de liquidation de leur entreprise,  comme en cas de réduction de la rémunération du repreneur, ce dernier ne sera pas couvert par Pôle Emploi.

Ne dit-on pas que l’ACCRE transforme l’ARE en ARCE ?

Pour être complet, citons tout de même un cas, où, malgré son rôle de gérance ou de présidence, si l’activité reprise périclite, il pourrait bénéficier d’un accompagnement partiel de la part de Pôle Emploi : si ce dernier n’a pas touché intégralement les droits auxquels il pouvait prétendre lorsqu’il a entrepris son projet entrepreneurial.

L’entrepreneur, au moment de l’immatriculation de la société lui servant de holding de reprise, demande à bénéficier de l’Aide aux Chômeurs, Créateurs et Repreneurs d’Entreprise (la fameuse et très connue ACCRE). 

Les conditions d’octroi sont simples et presque toujours respectées dans la situation précise d’une reprise d’entreprise.

Le titulaire de l’ACCRE peut opter pour deux situations (cumulatives), mais il s’agit bien d’un choix à faire par le repreneur. L’obtention de l’ACCRE peut n’avoir aucune incidence sur la situation du demandeur d’emploi créateur ou repreneur d’entreprise, s’il le décide !

Ces deux aides complémentaires sont les suivantes :

  • D’une part,  le demandeur d’emploi peut bénéficier d’une réduction (…pas une exonération) plafonnée de ses charges sociales s’il souhaite se rémunérer la première année.
  • D’autre part, il peut demander à percevoir en deux fois, 45% de ses droits totaux restant (au lieu de 100%), qui lui seront versés non pas mensuellement, mais en deux fois. Et ensuite, il ne perçoit plus rien de Pôle Emploi.

Si son activité périclite et qu’il dépose le bilan, et qu’il liquide la société, il peut demander à percevoir mensuellement, les 55% de droits qu’il n’avait pas touché au moment du lancement de son projet.

C’est donc le seul cas où l’entrepreneur peut être couvert par Pôle Emploi, si son activité périclite dans un délai maximum de 5 à 6 ans.

Or, cette aide est très rarement demandée par les entrepreneurs, pour les raisons suivantes :

Tout d’abord, 55% de ses allocations constituent une somme souvent loin d’être négligeable ! Même si cette somme peut constituer un capital de départ, l’entrepreneur se prive de moyens financiers importants pour lancer son projet ; sans compter les arguments que l’on a présenté plus haut, susceptibles de trouver résonnance et écho favorable chez les financeurs.

De plus, le fait d’être indemnisé dans le cadre de l’ARE sur 24 ou 36 mois, a une conséquence très importante : les trimestres de retraite s’accumulent au rythme de 4 par an, et les points de cotisations Agirc et Arcco sont comptabilisés sur la base du salaire de référence ! Même s’il ne perçoit aucune rémunération de la société qu’il a reprise, le nouveau propriétaire et dirigeant cotise pour sa retraite comme s’il n’avait pas quitté son dernier emploi.

Et, à ce jour, si le demandeur d’emploi, repreneur d’entreprise, bénéficiaire de l’ACCRE, demande à Pôle Emploi de transformer son Allocation mensuelle de Retour à l’Emploi en versement en capital (les 45% des droits restants), il perd les avantages précédents, à savoir l’accumulation des trimestres et des points de retraite !

Cerise sur le gâteau, si le repreneur est encore dans la période de portabilité de la mutuelle de son ex-employeur, il ne pourra pas l’utiliser ! Les mutuelles prévoient que pour en bénéficier, le demandeur d’emploi doit être indemnisé mensuellement et encore dans les « effectifs » de Pôle Emploi !

En conséquence, il est rare que les repreneurs (tout comme les entrepreneurs) demandent à bénéficier du versement en capital de l’ARE.

Comment se constituer une garantie « perte de revenus » en cas de reprise d’entreprise ?

Il n’est donc pas possible pour un repreneur de faire garantir son mandat social en cas d’arrêt de sa rémunération, par Pôle Emploi.

Il est envisageable de se tourner vers le secteur privé, en abondant sur des systèmes d’assurance chômage spécifiques, garantissant (souvent moyennant un délai de carence assez long) un revenu en cas de perte d’activité. Ces produits assurent un revenu, en compensation d’une perte de rémunération.

La question se pose avec intérêts si :

  • Les revenus à garantir sont élevés,
  • Les cotisations peuvent être déduits des bénéfices de la société,
  • Et surtout,…, après Pôle Emploi !

Dans ce chapitre, le dernier point nous intéresse tout particulièrement.

En effet, il est important, tout en restant dans l’esprit de la loi assurant aux entrepreneurs et repreneurs le maintien de leurs droits, d’éviter de se rémunérer dans la société reprise ou créée.

Cela permet de laisser de la trésorerie dans la société et ainsi, faciliter son développement, voire son lancement, améliore le niveau de crédibilité d’un projet de reprise, etc. Toutes ces raisons ont été évoquées plus haut.

Quel pourrait-être le second avantage de ne pas se rémunérer pendant la période de Pôle Emploi ?

Pôle Emploi précisément !

En effet, un dirigeant n’est pas couvert en cas de réduction ou d’arrêt des revenus qu’il perçoit en provenance de la société qu’il gère.

Il doit donc devenir, en endossant le métier de chef d’entreprise, son propre assureur, en matière de perte de revenus.

Vous avez dit « propre assureur » ?

Le dirigeant doit donc se couvrir personnellement, et la couverture qu’il va mettre en place aura plusieurs caractéristiques :

  • elle le couvre en cas de pertes de revenus,
  • elle le couvre en cas de réduction de revenus,
  • elle n’est pas à fonds perdus.

L’entrepreneur, en rythme de croisière, décidera de se rémunérer moins que le niveau d’activité et de trésorerie de sa société le lui permettrait. Il procédera ainsi, pendant plusieurs années, probablement jusqu’à son départ en retraite.

Après quelques années, le repreneur se sera constitué un capital de trésorerie, susceptible de le couvrir en cas d’arrêt de son activité, mais aussi en cas de réduction de ses revenus, ce qu’aucun système (fusse-t-il privé) n’offre à ce jour.

Le jour où il part en retraite et que ses revenus ont une double provenance (sa société s’il décide de continuer à travailler) et ses pensions, il peut se poser la question de récupérer ses « cotisations », c’est à l’épargne qu’il s’est constitué toutes ces années ! Il récupère donc (certes avec un frottement fiscal et social) le fruit de sa prudence.

Deux questions se posent :

  • Comment faire les premières années pour un entrepreneur accompagné par Pôle Emploi ?

Pendant la période de perception de l’Allocation de Retour à l’Emploi, l’entrepreneur aura intérêt à ne pas se rémunérer, et à capitaliser cette trésorerie dans son groupe. Finalement, c’est Pôle Emploi lui-même qui permet à l’entrepreneur de pallier l’absence de la couverture Pôle Emploi sur ses rémunérations futures !

C’est pourquoi, dans le cadre de l’accompagnement de repreneurs d’entreprises, nous préconisons de ne pas non plus se verser de dividendes pendant la période de perception de l’Allocation de Retour à l’Emploi et ainsi de jouer la prudence.

Toutefois, si un entrepreneur considère qu’il a intérêt à ne pas se rémunérer dans la structure reprise pour percevoir l’Allocation de Retour à l’Emploi, alors que sa structure pourrait lui verser une forte rémunération, sans remettre en cause son équilibre financier, il est manifeste qu’une question d’éthique personnelle et citoyenne peut se poser !

  • Où loger cette trésorerie prudentielle ?

Un projet de reprise d’entreprise est souvent piloté par une holding qui a acquis les titres de la société cible. Il est préférable que ce soit cette structure qui soit gère cette démarche prudentielle.

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