Le projet de reprise d’une entreprise ne peut aboutir, même après un long processus et des engagements de part et d’autre que si le cédant est d’accord !
La question de l’évaluation peut être un frein, voire faire l’objet d’un désaccord qui stoppe le projet de reprise. Quand les deux parties sont en phase sur l’évaluation de la société, il existe encore plusieurs situations ou points de négociation où le cédant à un moment donné peut préfèrer renoncer à la cession.
Au-delà de la question financière, le repreneur doit être en mesure, rapidement, de comprendre le cédant, comment il fonctionne, ou sont ses freins et ce qu’il recherche véritablement.
La première question à laquelle le repreneur doit pouvoir répondre quand il présente le projet de reprise à son entourage doit être « pourquoi cède-t-il son entreprise ? ». De manière habituelle, le cédant a préparé sa réponse, mais il importe surtout d’en connaitre les incidences, les ressorts peut-être évoqués moins clairement. Ce peut-être une motivation de départ à la retraite, une question de lourdeur professionnelle et de volonté de changer d’univers professionnel, un désaccord entre les associés où il ont résolu de vendre leur structure à des tiers plutôt qu’entre eux,…
La « vraie » motivation du cédant est enseignante pour le repreneur, pour appréhender plus facilement des attitudes, des remarques, voire des points de blocage qui, de ce fait peuvent être déminés avec plus de simplicité.
Nature des relations avec le cédant
Les relations avec le cédant sont parfois complexes. A la fois, il est question de confiance exprimée dans le fait de se défaire de son entreprise au profit d’un autre, et en même temps, il peut exister un climat de défiance à propos de ce que pourrait faire le repreneur une fois l’opération achevée.
Une fois passés les premières rencontres destinées à s’assurer que le cédant veut bien céder et le repreneur, reprendre, les « vraies » relations vont pouvoir s’installer !
Plusieurs caractéristiques ont pu être notées dans la nature de ces relations :
Le temps des acteurs
Même si le projet est commun, les temps du repreneur et celui du cédant ne sont pas identiques. L’un, le futur repreneur vient de passer plusieurs mois à rechercher la cible qui correspond à son projet et entre dans ses critères. Il est assez impatient d’avancer, et idéalement de conclure favorablement.
Le second partenaire vient de passer des années, voire des décennies à développer son activité et il est sur le point en quelques semaines de ne plus rien faire du tout dans ce cadre là ! Le cédant a également (dans la plupart des situations) un désir fort de vendre, mais la cession de son entreprise le fait souvent entrer dans une période délicate, outre le fait qu’il est légitimement compliqué de vendre une société que l’on a constituée et fait vivre pendant des années.
La relation au temps, aux documents demandés, aux pressions des conseils pour signer, auditer, valider le prix et finir de négocier, n’est donc pas la même. Le repreneur doit être conscient de sa propre impatience et tenir compte de ce qui peut lui sembler du registre de l’inertie de la part du vendeur.
Cette compréhension mutuelle des « envies » qui, bien que tournées vers le même objectifs, ne s’exprimant pas de la même manière, permet d’avancer dans la relation avec respect et donc plus d’assurance d’aller au terme.
La crispation est nécessaire
Dans toute négociation, il y a un moment de crispation, voire de recul de la part des parties investies.
Le repreneur, qui n’a pas trouvé la cible idéale, répondant en tous points à ses critères, peut être agacé d’une découverte dans les comptes ou la compréhension de l’organisation, qui vient s’ajouter au fait que précisément, la cible n’est pas idéale. « En plus, il y a ce point ! ». Il s’agit le plus souvent de détails peu significatifs, mais dans le processus de reprise, l’irrationnel parfois prend le pas sur le cartésien.
Le cédant, pour qui la période est difficile, ne souhaite pas accéder à une demande qu’il juge trop détaillée, trop tôt ou excessive. Là encore, une fois que la négociation a bien avancé, que les relations se nouent, ce ne sont généralement pas des problèmes majeurs qui se posent.
Dans ces deux situations, l’important pour l’autre partie est de rester rivée sur son objectif et de prendre du recul par rapport à la position de l’autre, quand bien même, elle semble inappropriée.
La manière retenue pour passer ces étapes consiste souvent à « lâcher un peu de lest », et non pas revenir sur toutes les demandes (par exemple), tout en montrant son vif intérêt pour poursuivre la négociation et la mener favorablement.
Ces accrocs sont nécessaires dans la construction de la relation et revêtent plus une forme de test de celui qui est en face, que l’expression de vrais désaccords.
Il est important pour le cédant de savoir dans quelle mesure son activité, son « bébé » sera entre les mains d’un dirigeant à la fois ferme sur ses convictions (ne pas céder sur tout), et en même temps souple et suffisamment professionnel pour ne pas perdre de vue l’objectif principal.
Une véritable relation de partenariat peut naître de ces périodes parfois crispées ou tendues.
Afin d’appréhender la relation avec le cédant de manière sereine, il convient de prêter attention aux éléments suivants :
- Le cédant doit conduire son propre changement en faisant le deuil de son entreprise. Très souvent, il entre dans une période de sa vie qui débouche sur un temps d’inactivité professionnelle progressive. Nous l’avons évoqué plus haut, le temps et le rythme de la procédure risquent d’être différents de celui du repreneur. De plus, le cédant doit faire un véritable travail de deuil, même s’il a pris lui-même la décision de céder son entreprise.
Cette démarche peut prendre du temps, mais est absolument nécessaire, pour lui-même comme pour le repreneur.
En effet, si le deuil n’est pas fait, le cédant risque de vivre difficilement la période de négociation, et surtout celle d’audit, où il ressentira les demandes des auditeurs comme des violations de ce qui lui appartient !
Cette phase doit être prise en compte par le repreneur avec le respect que cela suppose.
Le cas où un propriétaire d’une société refuse, sur la fin du parcours de reprise, de vendre sa société n’est pas un cas isolé. Il est opportun, pour un acquéreur potentiel de s’informer quand il avance avec un cédant, si d’autres négociations ont échoué et en connaître les raisons.
La phase de deuil d’un cédant qui a déjà essayé de vendre sa structure peut être plus complexe à gérer, car elle peut comporter une crainte complémentaire de la part du vendeur : ne pas arriver à vendre.
Le candidat à la reprise peut accompagner le cédant dans cette démarche, en lui montrant qu’il est conscient des particularités de cette période.
- Le vendeur d’une société ne doit pas être réduit dans l’esprit du repreneur à un opportuniste souhaitant faire le plus de plus-value possible. Le cédant, compte tenu de ce qui précède, tente de valoriser la société qu’il propose, certes dans une dynamique financière et d’enrichissement personnel, mais pas uniquement.
Le fait de valoriser la société à vendre, de contester les critiques ou les remarques sur l’organisation, participe dans l’esprit du cédant, du travail de valorisation de ce à quoi il va renoncer et perdre dans peu de temps.
- Le vendeur a souvent besoin d’être rassuré sur le devenir de son entreprise. S’il a créé et porté la structure qu’il cède, il est généralement dans l’idée d’une continuité, particulièrement dans le cadre social et humain qu’il a constitué. Ecouter le cédant et savoir interpréter son discours, notamment quand il évoque le repreneur idéal, est source d’enseignements susceptibles de faciliter la réalisation de l’opération d’une part et la transition d’autre part.
Enfin, le repreneur doit considérer le cédant comme le premier partenaire, de qui il peut et doit apprendre. Quelle que doit le projet de l’acquéreur de la société, son développement passe obligatoirement par une transmission de connaissances. Ce passage de témoin est capital dans la prise en main de l’équipe et du fonctionnement interne.
La fiscalité de la cession de l’entreprise
Bien comprendre le cédant passe également par connaître et accepter ses besoins.
Nous l’avons évoqué plus haut, il a surement besoin de temps pour passer le relais à un tiers. De plus, il est question de finances, en valorisant à sa juste appréciation l’entreprise qu’il a décidé de transmettre.
Il se pose surement des questions fiscales !
La vente de son entreprise créée de l’impôt sur le revenu et des charges sociales. Même s’il s’agit d’une question personnelle que l’on peut imaginer du seul ressort des conseils du cédant, ce point ne doit pas être négligé.
Parmi les situations à connaître avant de finaliser le temps de la négociation, il peut être noté celles-ci :
- La fiscalité est très allégée pour un actionnaire ou un associé cédant sa société au moment de son propre départ en retraite ! Les conditions sont certes assez nombreuses, mais très couramment remplies par un cédant travaillant encore (et percevant une rémunération) dans son entreprise au moment de la cession. Cette disposition fiscale peut expliquer parfois un calendrier qui n’est pas exactement celui qui pourrait être mis en place, ou une proposition de mission d’accompagnement avec des modalités spécifiques !
- De la trésorerie dans la cible : en fonction de l’imposition aux plus-values qu’il va supporter, il peut être plus intéressant d’acquérir une société avec de la trésorerie, plutôt que de demander au cédant de baisser les fonds propres et distribuer des dividendes avant de vendre les titres de son entreprise (cf. chapitre 2, paragraphe 8).
- Certaines sociétés disposent de comptes courants d’actionnaires cédants qui n’ont pas pu être remboursés depuis longtemps. Il pourrait être opportun (sans prendre de risques fiscaux sur la valorisation de la société) de prévoir que le prix de vente des actions ou des parts sociales tienne compte du remboursement total ou partiel de ces comptes courants.
- De même, la mise en place d’un crédit vendeur, outre le fait de faciliter le financement de l’opération, peut répondre à des souhaits fiscaux, dans la mesure où il est possible de supporter l’imposition en cohérence avec le calendrier de paiement du repreneur.
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