Audit d’acquisition : objectifs & moyens

Publié le 27 janvier 2021Thème : Social, CommercialType: questions réponses

Lorsque la cible est constituée du fonds de commerce et non de la société dans son ensemble, on ne parle pas d’audit d’acquisition à proprement parler, dans la mesure où le champ d’investigation est réduit. Il s’agit essentiellement d’une revue du chiffre d’affaires et des contrats.

Toute cession d’une société commerciale emporte la cession du contenu (le fonds de commerce, les clients, les éventuels contrats, etc.) mais également du contenant : la société elle-même, représentée par les titres (actions ou parts sociales) composant le capital social.

Devenir propriétaire du « contenant » (les titres de la société) revient à être propriétaire de l’histoire de la société, et donc directement responsable de cette histoire. Cela vaut sur des périodes où le cessionnaire n’était pas en position ni de propriétaire ni de dirigeant.

A titre d’exemple, un contrat signé par l’ancien président de la SAS récemment acquise porte des effets aujourd’hui, pour lesquels le nouvel actionnaire est, de droit, le nouveau responsable.

De même, un litige dont l’origine serait portée à une période où le cessionnaire n’était pas encore là, est traité par le nouvel actionnaire : ce peut être un litige dans l’exécution d’un contrat de travail, ou des erreurs dans des déclarations fiscales par exemple.

L’histoire et les décisions des anciens propriétaires peuvent avoir des conséquences significatives, bonnes comme néfastes, et ce sont juridiquement les nouveaux actionnaires qui en supporteront les conséquences.

Face à cette situation, l’acquéreur a deux possibilités de se protéger :

  • La garantie de passif
  • L’audit d’acquisition

Les points à valider dans le cadre d’une garantie de passif sont présentés au paragraphe 11 du chapitre 3.

Objectifs de l’audit d’acquisition

Compte tenu des risques présentés, il s’agit de réduire au minimum la part de non-information mais aussi de prévoir les éventuels risques futurs.

Réduire au minimum la part de non-information

L’audit d’acquisition doit recenser le plus précisément possible les risques auxquels peut être confronté l’acquéreur afin de limiter leurs effets.

Bien évidemment, les risques inhérents à l’activité de la société, sur un plan technique, environnemental, réglementaire ou industriel seront appréhendés par le cessionnaire, indépendamment de l’audit d’acquisition. Il analysera ces points en amont au moment de sélectionner le secteur dans lequel il cherche à investir.

L’audit d’acquisition permet de s’assurer que les chiffres présentés à la fois dans le dossier de présentation, mais également dans les comptes présentés, traduisent bien la réalité de la vie économique de la société.

Même si le résultat d’une entreprise ne constitue pas toujours la principale variable utilisée pour valoriser l’entreprise et parvenir à son prix, les éléments présentés dans les comptes annuels sont essentiels :

  • Ils donnent une information objective de la vie économique et financière de l’entreprise,
  • Ils révèlent la qualité de l’organisation de l’entreprise.

Information objective :

L’audit d’acquisition se doit de vérifier que les chiffres sont bien réels : l’auditeur vérifiera la correcte traduction de l’activité dans les comptes de la société d’une part et le respect des règles comptables communément admises. Se reporter au guide d’audit du Chapitre 6 de ce livre).

Organisation de l’entreprise :

Comprendre les comptes consiste à se les faire expliquer ! L’auditeur (et par voie de conséquence l’acquéreur potentiel) est à même de comprendre comment l’entreprise cible est organisée et quel niveau de qualité elle a doté son système d’information comptable et financière.

Ne pas être en mesure d’expliquer les évolutions significatives récentes dans les comptes, procéder à des évaluations plus ou moins globales des risques, ne pas avoir mis en place un suivi comptable et budgétaire régulière, sont autant d’enseignements pour l’acquéreur potentiel.

Ces informations, dans certaines situations peuvent le faire renoncer à son projet d’acquisition, du fait des incertitudes sur les comptes, de l’impossibilité de les comprendre et les analyser.

Apprécier les procédures de contrôle interne de l’entreprise cible

Dans un grand nombre de situations, l’organisation d’une PME ne permet pas de satisfaire aux règles en matière de contrôle interne et de protection des actifs de la société.

Il s’agit tout simplement d’une question de moyens.

Un des grands principes en matière de contrôle interne est d’adopter des procédures de gestion des documents et de l’information au sens le plus large, qui intègrent des points de contrôle.

Par exemple, si une personne du service comptable prépare les règlements des fournisseurs, elle ne devrait pas être en mesure de valider les virements ou de signer les chèques ! Ce sera également une autre personne qui procédera à la comptabilisation de ces opérations (achat auprès d’un fournisseur et paiement de ce fournisseur)

Les procédures les plus risquées sont celles qui traitent d’opérations en espèces et affectant la gestion de la trésorerie.

Dans un premier temps, l’entrepreneur chercher à identifier les procédures qu’il doit évaluer,…, si l’entreprise est en mesure de lui décrire des procédures précises.

Ensuite, la technique est simple : demander aux personnes de parler de leur travail !

Bien entendu, la première étape consiste à rencontrer les responsables de l’entreprise. Le cédant d’une PME est souvent parfaitement au courant du détail des procédures de son entreprise, mais aussi des éventuels dysfonctionnements ou défauts d’organisation.

Il ne faut pas s’attendre à ce que le cédant explique dès le second entretien tout ce qui ne fonctionne pas simplement ou les procédures qui seraient à modifier en profondeur ! Toutefois, dans la succession des échanges, il est bon que le cédant puisse avoir un regard critique sur son entreprise et son organisation. Cela ne revient pas à dévaloriser la société qu’il a constituée il y a longtemps. Bien au contraire, il adopte une posture de véritable entrepreneur, responsable.

L’objectif pour lui serait, au travers de cette étude lucide, de permettre à l’acquéreur de disposer des informations réellement utiles pour son organisation future.

Il est préférable qu’il découvre des points de procédures et d’organisation à amender avant la reprise plutôt que pendant la phase d’accompagnement par le cédant, une fois la cession réalisée.

L’auditeur liste les procédures internes, qui ne sont pas traitées directement par le cédant lui-même. Il peut se faire accompagner par l’acquéreur ou au moins à travailler de manière étroite avec lui, dans la mesure où il est censé connaître le fonctionnement de l’activité et ses éventuelles spécificités. Face aux remarques et à la vision du professionnel de l’audit, il saura apporter un point de vue plus proche du terrain.

Une fois les procédures listées, il faut se poser la question, simple en apparence : « que peut-il mal se passer ? ». Dans un premier temps, l’attention devra être portée sur les procédures suivantes :

  • Encaissements (par des moyens autres que les virements et les prélèvements automatiques),
  • Décaissements (accès à la comptabilité, préparation des règlements, validation des règlements),
  • Gestion des commandes et de la qualité servie aux clients,
  • Engagement de la société en matière de commandes fournisseurs,
  • Notes de frais.

Le suivi des notes de frais, même s’il est souvent mineur en terme d’impact financier, traduit bien souvent la qualité du contrôle interne d’une entreprise et constitue un sujet parfois brûlant…

Procédures gérées directement par le cédant :

Il est courant que plusieurs procédures d’organisation internes soient directement gérées par le cédant lui-même, par exemple la comptabilité ou la préparation et la signature des chèques fournisseurs.

Dans ces situations, l’acquéreur doit apprécier s’il sera en capacité de reprendre ce que faisait son prédécesseur, outre le fait de savoir si c’est opportun que ce soit lui qui gère ces sujets.

Les conséquences seront bien évidemment organisationnelles, mais aussi financières. On rejoint la question des éventuels coût cachés (Cf. plus haut).

PME familiale

Il convient d’être particulièrement vigilant aux cumuls de tâches, particulièrement dans les PME familiales.

En effet, dans un grand nombre de sociétés à reprendre, la gestion est assurée de manière familiale. Ce qui peut ne pas être appréhendé comme une zone de risque dès l’instant où la famille est investie aux postes clés de l’organisation, voire dans ces procédures potentiellement risquées au regard du contrôle interne, peut devenir un véritable casse-tête organisationnel pour l’équipe du repreneur.

En effet, il va surement remplacer les personnes de la famille du cédant, quittant leur poste (le plus souvent), par des salariés à recruter. Les cumuls de fonction et les éventuels risques de contrôle interne risquent d’apparaître sur le seul fait de confier les postes concernés à d’autres collaborateurs.

Pour des raisons évidentes de manque de personnel, ces règles ne sont pas toujours respectées dans les PME et les TPE.

L’audit d’acquisition doit mettre en lumière ces éventuelles zones de risques, notamment en procédant à une cartographie des procédures.

Limite à la revue du contrôle interne

Nous l’avons dit, dans les PME, particulièrement les PME familiales,  les procédures ne sont pas toujours bien décrites, voire existantes.

La revue et l’appréciation des ces procédures sera d’autant plus rapide qu’elles existent et permettent de revenir sur le prix d’acquisition, si des sujets importants sont soulevés.

Il convient toutefois de prêter attention aux aspects humains. Quand il s’agit de contrôle interne, il est vite question de vérifier qu’il est impossible de détourner des fonds ou de perdre des commandes clients par exemple.

Les personnes responsables ou travaillant sur ces sujets depuis de longues années risquent de voir d’un mauvais œil, voire peuvent se sentir offensées, assimilant la personne à la fonction. Ce sentiment est légitime.

C’est pourquoi nous recommandons :

  • D’une part d’user de diplomatie à un niveau élevé et d’essayer tant que cela est possible d’apprécier le niveau de contrôle interne de la cible en se référant aux cadres dirigeants, sinon au cédant lui même.
  • De ne pas hésiter à avoir recours à un expert-comptable, qui est le plus souvent commissaire aux comptes. Il est censé être rompu à ce genre d’exercice dans les missions de commissariat aux comptes. De plus, il permettra sur des sujets délicats, à l’acquéreur de sortir de la mêlée et ainsi, contribuera normalement à dépassionner le débat.

Comprendre les comptes de la cible

L’audit d’acquisition est utile précisément pour contrôler, vérifier et s’assurer qu’il n’y a pas d’anomalies de calcul, de déclarations, de comptabilisation, etc.

Mais, ces procédures de contrôle permettent également à l’acquéreur de conforter sa connaissance de l’entreprise, en partant du lieu où toutes les opérations économiques de l’entreprises sont destinées à être traitées : la comptabilité.

Auditer des comptes augmente fortement le degré de compréhension de l’entreprise, par la maitrise des flux financiers, des résultats et des incidences comptables et fiscales de l’activité exercée.

C’est pourquoi, à la différence d’un audit traditionnel, où les contrôles sont concentrés très majoritairement sur les zones risquées et sensibles, un audit d’acquisition a une portée plus large, n’étant pas uniquement destiné à du contrôle et de la vérification.

Il importe donc dans une mission d’audit d’acquisition de bien rédiger avec l’expert-comptable mandaté, une lettre de mission précise et détaillée sur les travaux à mettre en œuvre et les informations à communiquer au futur repreneur.

Audit d’acquisition et business plan

L’audit de la cible est diligenté vers la fin de la négociation de manière à vérifier que la corbeille de la mariée est bien aussi garnie que le cédant le déclare.

Il s’agit donc de prendre connaissance de la manière dont ont été présentés les comptes sur lesquels repose probablement une partie de l’évaluation. L’objectif est également de prendre connaissance des éventuels risques futurs qui n’auraient pas été traduits dans les comptes.

Il existe aussi un autre objectif, qui ne jouera qu’indirectement sur le prix de vente : comprendre l’organisation de la société, de manière à identifier les éventuels coûts… qui seraient absents.

Les coûts ou économies cachés ?

Les éventuels risques qui ne seraient pas pris en compte dans la détermination du résultat ont peut-être déjà été identifiés et ont servis à corriger la valeur de négociation.

L’audit d’acquisition, dans sa partie procédure sert également à appréhender les organisations qui vont devoir être amendées compte tenu du changement de direction.

Dans un grand nombre de PME et de TPE à reprendre, l’organisation est familiale, et il peut se trouver que le départ du dirigeant entraine le départ de plusieurs personnes dont l’absence devra être remplacée.

Selon les postes occupés, il faut identifier les coûts de remplacement. Dans certaines situations, les dépenses futures sont supérieures à celles constatées dans l’organisation antérieure.

Dans ce cas, il faut :

  • retraiter les comptes utilisés pour évaluer le résultat (sachant que le résultat peut servir de base à une négociation sur le prix),

Les comptes présentent une marge et un niveau de résultat probablement correct eu égard à l’organisation précédente. Si les personnes concernées doivent être remplacées, l’analyse de la marge doit être corrigée pour en apprécier les effets.

Le raisonnement est le suivant : les actionnaires cédants doivent transférer une structure opérationnelle, donc intégrant un fonctionnement « normal », hors de tout aménagement familial ou amical.

Il convient également de s’assurer de la manière dont les personnes concernées vont quitter l’entreprise. En effet, les contrats de travail ne sont nullement rompus du fait d’un changement d’actionnaire de la société ou de propriétaire du fonds de commerce. Les éventuels coûts de départs doivent être appréciés avec précision et viendront également dans la négociation du prix de vente.

  • en tenir compte dans le business plan de reprise.

Dans le prévisionnel de résultat, ces éventuels coûts cachés ou absents doivent être traités pour leur estimation réelle et ce, généralement dès le premier mois.

Il peut également s’agir d’économies d’échelles ou de charges qui seraient absentes une fois la structure reprise, soit de manière temporaire, soit définitivement.

Un exemple d’une absence de charges temporaire pour être la rémunération du dirigeant, si ce dernier est indemnisé par le Pôle Emploi pendant 24 ou 36 mois.

Investissements à réaliser

Bien souvent, le ou les cédants, ont, une fois la décision prise de vendre leur société, limitent les investissements et les dépenses significatives à de l’entretien et de la maintenance.

Le but n’est pas de laisser l’entreprise dans un mauvais état, mais parfois, les cédants préfèrent ne pas montrer une société avec des emprunts contractés dans le cadre d’investissements ou de développements. Ils se disent aussi que le nouveau propriétaire des lieux préfèrera prendre ses propres décisions sur des sujets aussi importants et engageant.

L’auditeur se penche sur les investissements qui s’avèreraient nécessaires pour les intégrer dans le business plan.

De plus, il est possible que ces investissements ne soient pas finançables par la seule trésorerie dégagée par l’activité de la société cible. Il faudra donc songer à emprunter.

L’acquéreur devant financer son investissement par son propre emprunt, disposera-t-il de la capacité à emprunter de nouveau dans la société qu’il vient d’acquérir ?

En fonction des volumes en jeu, de leur caractère impératif et de l’éventuel calendrier, ce point risque d’ouvrir à nouveau le sujet du prix d’acquisition !

Attention, les mises aux normes de sécurité, d’urbanisme ou d’hygiène par exemple, seront être traitées dans les conditions suspensives de la lettre d’intention !

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