Un billard à trois bandes
Toute reprise d’entreprise met en relation trois partenaires, sur un calendrier précis et globalement très rapide : le cédant, les salariés et le repreneur.
Le scénario habituel est le suivant :
- le cédant négocie, en secret, avec le repreneur, les conditions de vente de son entreprise
- le cédant annonce aux salariés qu’il vend son entreprise au repreneur
- le cédant présente le repreneur aux salariés et ils sont tous les deux présents pendant une certaine durée
- le cédant quitte définitivement l’entreprise et laisse en présence les salariés et le repreneur
Il y a 3 ruptures, au sens du passage forcé, presque soudain, et aux conséquences fortes :
- l’annonce aux salariés de la vente de leur entreprise ;
- la rencontre avec le repreneur ;
- le départ définitif du cédant.
Chacune d’entre elles est susceptible d’être vécue de manière plus ou moins douloureuse par les protagonistes.
L’annonce aux salariés de la vente de leur entreprise
Il est important de connaître les émotions qui peuvent être ressenties pas les salariés, même si le repreneur et le cédant n’ont pas beaucoup de leviers ni de prises pour aider les salariés à avancer.
Cela se comprend, ils sont les causes même de ces émotions !
Quelles que soient la forme de cette annonce, la situation de l’entreprise et les garanties plus ou moins fermes du dirigeant-cédant, cette information constitue une rupture avec la vie d’avant.
Les salariés sont avertis tardivement, quand la décision est prise et que les engagements avec le repreneur sont déjà en grande partie actés.
Le salarié doit se faire à l’idée de ce qu’il perd, tout en se posant la question de l’après, de l’inconnu de ce qui va se passer. Même si le marché du travail et le marché économique sont parfois chaotiques, la présence de la direction incarne une sécurité forte, un lieu qui jamais ne coulera dans l’entreprise.
Là, tout change, et précisément, c’est le lieu stable qui ne l’est plus.
Émotion ressentie | « Travail » à réaliser |
Tristesse liée à la perte de la relation | deuil |
crainte pour l’avenir | recul et acceptation de la rencontre avec le repreneur |
Les salariés qui ont vécu de nombreuses années dans l’entreprise avec la même direction peuvent être perturbés par cette annonce.
Il est important, dans le processus de reprise, que les autres ruptures se produisent dans un calendrier resserré, pour aider les salariés à passer aux étapes suivantes le plus rapidement possible.
La rencontre avec le repreneur
Une rencontre, en soi, peut difficilement être le fruit d’un sentiment de rupture ou en engendrer un.
Et pourtant, dans cette rencontre, plusieurs sentiments sont mêlés et sont assez perturbants pour les salariés :
- La présentation réciproque consacre le fait que le dirigeant quitte effectivement l’entreprise.En cela, ces moments peuvent hâter le processus de deuil entamé par les salariés au moment de l’annonce de la vente.
- Il peut se dégager un sentiment de culpabilité, une impression de trahison de la part des salariés qui vont nouer une relation avec quelqu’un qui n’est pas leur employeur ni leur patron naturel.Cette trahison fait écho à celle parfois ressentie par les salariés à l’égard du cédant qui les « laisse à leur pauvre sort » !
Le départ définitif du cédant
Le départ du cédant a lieu, dans la très grande majorité des opérations de reprise, à l’issue d’une période d’accompagnement.
La difficulté liée à cette rupture est qu’elle intervient après une période délicate à gérer, où le repreneur est déjà en place et joue le rôle du décideur, en présence de l’ancienne direction qui le guide et lui fait découvrir les rouages de l’entreprise et les partenaires.
Suite à l’annonce du départ du dirigeant et à la mise en présence de son remplaçant, finalement, le dirigeant est encore là ! La crainte serait que ce temps soit considéré comme un temps habituel où le cédant n’est pas vraiment parti.
L’enjeu pour le repreneur est de véritablement prendre sa place, malgré la présence du cédant.
Pour l’y aider, l’un des objectifs du cédant est de se retirer de la place de direction, pour la laisser totalement vacante au profit de son acquéreur.
Plus cette période sera courte et les rôles de chacun clairement établis, moins le départ définitif du dirigeant sera vécu comme une rupture violente